PARADOXES : SCULPTER L'IMPERCEPTIBLE
Extraits de l’entretien – février 2015
Hélène Sirven* : La relation que vous voulez engager entre vos sculptures-installations et les publics a-t-elle évolué - et dans quel sens - depuis votre exposition « Chez Dan » en novembre 2014 ?
Léa Dumayet : Elle a certainement évolué. Ma relation aux autres est fondamentale dans mon projet artistique ; l’invitation à « traverser » les sculptures, les toucher, est de plus en plus précise. Je dirais même qu’elle est le moteur de mon travail. Je désire que les gens sentent la fragilité, voire la dangerosité, l’exploit physique que j’opère avec les matériaux que j’utilise. Que le spectateur éprouve ce défi est un enjeu fort dans mon travail.
H. S. : L’exposition publique de vos pièces vous semble-t-elle utile pour affiner votre démarche - voire même pour envisager des réorientations - et en quoi ?
L. D. : Oui, la réaction du public me permet d’avancer. D’une part, parce que je me sens en empathie avec les spectateurs de mes pièces. À travers le regard de chacun je vois mes sculptures autrement. Je les modifie, je les améliore, grâce à leurs réactions. D’autre part, j’observe les formes humaines, les silhouettes autour et dans mes sculptures. Elles font vivre mes sculptures. J’aimerais travailler encore davantage ce rapport aux autres, en leur donnant envie de toucher à mon travail. Aussi, j’aimerais créer des sculptures dans la rue, en rapport avec l’architecture, les flux, et surtout pour les gens qui n’entrent pas dans les musées. L’Art public était mon sujet de mémoire à l’ENSBA Paris, plus exactement « La marche autour des œuvres publiques de Franz Weissmann à Rio de Janeiro ».
H. S. : À partir de votre pratique, comment définiriez-vous aujourd’hui la sculpture, l’installation - avec ou sans vidéo ?
L. D. : Le volume dans l’espace reste la base de mon travail de sculpteur : la surprise, l’émotion que provoque la force de l’existence, de la présence d’une forme en trois dimensions. À Rome, au MACRO, l’œuvre des frères jumeaux Doug et Mike Starn, intitulée Big Bambu, présentée il y a deux ans, répond bien à ce à quoi j’aspire. L’œuvre représentait un nid d’oiseau dans lequel on pouvait monter. Les gens étaient réjouis et étonnés de la traverser. Cela m’a convaincue : la relation avec le public est pour moi fondamentale.
Je pense souvent aux Pénétrables cinétiques de Soto dans les années 1950. Aujourd’hui, les sculptures et les installations, surtout avec des vidéos (!) sont, à mon avis, encore plus traversables et interactives. Je souhaite que le spectateur s’empare de l’objet pour éprouver une sensation. C’est ce que j’ai tenté de faire en suspendant ma sculpture Transi au niveau des mains des spectateurs. Lourde, en bronze, patinée de bleu, rugueuse et à multiples facettes, on pouvait la soupeser, la caresser. Sensuelle. La vidéo aussi permet de faire éprouver de l’étonnement et du plaisir. J’ai présenté, lors de ma dernière exposition en novembre 2014, une vidéo intitulée Doul qui montrait des montagnes blanches d’écume, tremblant au vent. Ce sont des amas de sel provenant des vagues échouées au bord d’un étang de mer. Leurs vibrations rapides révèlent la fragilité de leur consistance. Pour moi, ce sont de petites sculptures légères, remplies de trous. Dans un canapé, j’avais installé un haut-parleur vibrant qui émettait des sons d’un radiateur en métal, qui lui aussi vibrait. J’avais enregistré ce son sur le lieu même de l’exposition lors de gros travaux. Cette installation vibrait entièrement, elle se vivait pleinement.
H. S. : Pourriez-vous prendre encore davantage en considération la part du son, des odeurs, ou du toucher... dans vos projets ? Autrement dit, quelle est la part du visuel et des autres sens dans votre pratique artistique ?
L. D. : Dans ma pratique, je prends en compte les sens du corps humain, particulièrement le toucher, l’ouïe et la vue. Comme je vous le disais à propos de ma vidéo Doul. De plus en plus, j’accompagne la part visuelle (prédominante dans mon travail) de sons et de sensations. Dans mon prochain projet, je voudrais continuer dans ce sens et avec cet élan.
H. S. : Comment effectuez-vous vos choix techniques, comment travaillez-vous (seule, collaborations, échanges...) ? Pourriez-vous montrer, à travers un exemple précis, en quoi votre processus créatif actuel s’inscrit dans des préoccupations contemporaines, concernant en particulier le champ de la sculpture ?
L. D. : Je n’ai pas de matériau de prédilection. Mon choix est lié à la rencontre que je fais avec les matériaux. J’ai besoin d’avoir ce contact visuel pour attiser mon inspiration. J’ai travaillé avec des os de seiches que j’ai ramassés sur la plage. J’ai fabriqué une première sculpture Flot avec ces os et puis une nouvelle avec des centaines d’os achetés cette fois sur Internet à des gens qui les vendaient pour des oiseaux. Je les ai fixés méticuleusement les uns à côté des autres. En les réunissant, j’ai donné des mouvements hérissés ou ondulés.
Je glane, je récupère : des feuilles d’aluminium récupérées d’un décor de théâtre, des grillages dans l’atelier d’un ami, un miroir en inox dans une boutique qui fermait. Chacune de mes sculptures a une histoire liée à la vie d’autres personnes en lien avec les matériaux. Le contact avec l’autre m’est indispensable. L’autre fait émerger la parole enfouie. L’exposition «Chez Dan» s’est faite grâce à ma rencontre avec Léa Sorli. Ce processus de partage existe depuis longtemps, mais reste à mon avis très actuel.
H. S. : Avez-vous des références artistiques, culturelles, scientifiques... qui vous sont chères, directement reliées à vos pièces, à vos projets ? Quels sont les artistes, les enseignants qui vous ont été importants au cours de votre formation à l’ENSBA ?
L. D. : L’art cinétique a été pour moi une découverte importante (Jesús-Rafael Soto, Julio Le Parc,...). La déambulation du spectateur change la sculpture. Son regard est perturbé. Je tente toujours de jouer avec ce principe-là. Il y a aussi la vidéo Der Lauf der Dinge (Le Cours des choses) de Fischli et Weiss. Leur installation en jeu de dominos confirme mon vif intérêt pour l’utilité des objets en tant que tels, pour leurs potentialités. Je suis aussi évidemment sensible à leur travail sur l’équilibre. Avec mes matières, je le cherche aussi.
La lumière et la déstabilisation que l’on peut éprouver dans les installations d’Olafur Eliasson, me donnent envie de travailler encore plus avec la lumière en tant que matière sculpturale.
Les installations sonores, participatives et ludiques de Pierre Huyghe m’ont troublée. Depuis l’exposition au Centre Pompidou, je me dis que j’aimerais aussi faire participer des gens, des performeurs, à l’intérieur des mes pièces.
Parmi les artistes et les enseignants à l’ENSBA dont j’ai appris beaucoup : Emmanuel Saulnier, Patrick Tosani, Didier Semin.
Emmanuel Saulnier, en tant qu’artiste et professeur d’atelier, a suivi mon évolution pendant cinq ans. Il a constamment remis en question mes sculptures et installations, avec humour et poigne. Il m’a offert une vision ouverte sur l’art.
Patrick Tosani, aussi en tant qu’artiste et professeur d’atelier, m’a permis de vraiment regarder mes photographies et leur donner un statut, avec et face à la sculpture.
Didier Semin, professeur d’histoire de l’art, m’a fait découvrir l’art brut, et surtout l’inframince de Duchamp. Ce qui a amplement modifié ma vison de l’art. De plus, il a suivi ma pratique lors des expositions dans l’Ecole et m’a accompagnée lors de mes recherches pour mon mémoire.
H. S. : Si, au cours de vos études vous avez travaillé la notion d’inframince duchampienne, quelle est votre définition de l’inframince?
L. D. : Justement j’allais y venir ! Pour continuer de citer mes références artistiques, les artistes contemporains qui utilisent à mon avis la notion d’inframince sont Richard Serra et Markus Raetz. Ils jouent avec l’illusion. La sensation que j’ai vécue lors de l’exposition « Monumenta » de Richard Serra au Grand Palais a été un tournant dans ma pratique artistique. Les plaques semblaient tomber, mais non, elle ne bougeaient pas. Je cherche maintenant à rendre cette sensation du «presque». Lorsque j’ai découvert les fines sculptures de Markus Raetz, j’ai ri. Il y a plusieurs sens de «lecture». Le «oui» devient «non» et vice-versa. Là aussi il y a « infra-mince » au moment du changement entre les deux mots. J’espère que mes œuvres se comprennent aussi de plusieurs manières. Parmi tous les exemples d’inframince cités par Marcel Duchamp, j’aime celui de l’haleine et de la fumée qui « s’épousent », à cause de la caresse que cela évoque, mais surtout du frôlement. Dans mon travail, je pense que l’inframince se trouve entre deux temps, dans la fulgurance du mouvement : 1) Le spectateur voit ma sculpture, d’un certain point de vue. 2) Il est de l’autre côté de ma sculpture. C’est lorsqu’il se met en mouvement à l’intérieur d’elle, qu’il est dans cet espace-temps indéfinissable, presque imperceptible. Entre les deux il y a eu de l’inframince. Je vois aussi de l’inframince entre les forces, les tensions et les équilibres des matières qui se touchent, ou presque. Par exemple : la tige de métal retenue par la moquette dans mon installation Entre Deux pour l’exposition «Chez Dan» en novembre dernier.
H. S. : Comment conciliez-vous la présence physique des matériaux de l’installation, de la sculpture avec le passage presque invisible d’un souffle, la réaction quasi-imperceptible d’une résistance entre deux matériaux différents ? Autrement dit, comment l’imprévisible, le fugace ou encore l’insolite participent-ils de votre processus créatif, quelles traces tentez-vous de saisir et comment choisissez-vous de les faire ressentir ?
L. D. : C’est ce que je tente d’expliquer avec ma description de l’inframince. L’insolite, c’est de faire comprendre l’originalité du choix de mes matériaux, de faire partager cet instant de suspension que j’ai eu en les remarquant, en les traitant, en arrêtant le temps pour eux et en leur donnant cette possibilité d’exister. Pour être plus précise : au cours de l’installation de l’exposition «Chez Dan» qui a eu lieu dans un appartement bas de plafond, les cadres frêles en métal que j’ai placés in-situ étaient coincés entre le plafond (environ 1m 90) et le sol (recouvert de moquette). Les cadres ont trouvé leur place comme s’ils n’attendaient que cela d’être calés à cet endroit précis sans autres artifices que leur propre équilibre, sans colle, sans clou, sans lien. Juste la tension exacte de leur corps (le poids, la souplesse, etc…) et le lieu. Mon intervention, c’est cette vie que je donne dans l’espace avec ce matériau. D’une certaine façon, je suis le messager de leur rencontre.
H. S. : Quelle prise de risque vous paraît-elle indispensable dans votre démarche artistique ?
L. D. : La prise de risque, c’est de ne pas céder à la facilité et à l’habitude. Je me force à abandonner, à quitter un matériau pour un autre. Je quitte ce que je connais. C’est terrible à chaque fois, mais je sais que je dois le faire. Rien ne m’empêchera d’y retourner bien entendu, mais enrichie par d’autres expériences. Les os de seiches, les tiges de métal, les plaques d’aluminium, le grillage… Dernièrement j’ai trouvé des centaines de plaque de verre ! Leur transparence m’intéresse. Une nouvelle aventure commence.
H. S. : Quelle est la chose dont il vous est le plus difficile de parler dans votre processus créatif ? Quels sont les aspects de votre démarche artistique qui ne supportent pas l’arbitraire des mots et qui nécessitent des équivalents pour interroger ces étapes, ces passages, ces interrogations, ces contradictions, qui constituent la fabrication de l’œuvre, et aussi son devenir ?
L. D. : Avec mes matières, je cherche aussi l’équilibre. La question de l’équilibre est évidemment difficile à approfondir parce qu’elle touche au vertige, celui-là même qui a à voir avec la frontière entre la vie et la mort. Le titre de mon diplôme était justement « Une question de mort ou de vie ». Je pense que « vivre l’œuvre » et « faire vivre l’œuvre » (par la déambulation du spectateur) est l’espoir qui prend le dessus sur l’équilibre, voire la dangerosité, de l’installation. Aller plus loin dans le questionnement du «pourquoi», ce serait creuser profondément en soi, or je veux garder l’insouciance. Je trouvais ça drôle d’échanger de place les mots «vie» et «mort» dans l’expression connue pour être dans l’autre sens ! Je veux suivre mon instinct. Je crains qu’à trop vouloir théoriser, on freine sa dynamique. J’ai peur de perdre ma liberté.
H. S. : Quelle est la place du trouble, de la distance, du métissage, du dehors et du dedans, et aussi de l’humour, dans votre esthétique ?
L. D. : Je pense que le défi à l’équilibre provoque le rire. C’est drôle quand ça tient tout seul ! Je considère que tout matériau est potentiellement noble, le métissage est indispensable. Même si au fond ce qui est important, c’est « le moins », je veux expérimenter la diversité pour ne garder que le plus dense, le plus juste.
H. S. : À quel moment considérez-vous qu’une pièce est terminée ? Jetez-vous beaucoup ? Que gardez-vous de vos expérimentations ? Le dessin est-il important dans votre démarche et sous quelles formes ?
L. D. : Je considère qu’une pièce n’est jamais vraiment terminée. Même pendant l’exposition « Chez Dan », je continuais à transformer, à bouger mes pièces d’un jour à l’autre. Ensuite dans mon atelier à Montreuil, je garde mes matières, en plusieurs morceaux. Je ne refais jamais une même sculpture avec ces matières. Lorsque je les réutilise, c’est pour créer de nouvelles installations. Certaines peuvent être considérées comme des séries.
Je me sers du dessin pour exprimer « en gros » ce que représentera ma sculpture ; mais je maîtrise moins bien le dessin en perspective. Je n’ai pas le dessin très agile. Je fais plutôt des dessins dans l’espace que je photographie. La principale installation de mon diplôme, en juin 2014, s’appelait justement Dessin.
Par ailleurs, je dessine, empiriquement, au moment de la mise en place. J’utilise les lumières pour créer des ombres. Celles-ci m’intéressent autant que les sculptures, au même titre qu’une matière. Ma dernière installation Et Alors était doublement un dessin : au sol et puis en reflet sur le mur. Comme un jeu de de domino où les éléments se soutiennaient, les lignes se suivent, les ombres et reflets s’entrelaçaient. Une histoire pleine de rebondissements.
H. S. : Quelles relations vos pièces entretiennent-elles avec l’architecture (du visible à l’invisible) ?
L. D. : Le rapport de la sculpture avec l’architecture était le sujet de mon mémoire. J’ai analysé avec soin le rapport entre les œuvres publiques de Franz Weissmann et la vie quotidienne, la vie urbaine dans son foisonnement de diversité, de couleurs et de formes. Ce qui était le plus important était ma déambulation, mon regard en mouvement dans la ville de Rio : la rencontre avec ses sculptures cinétiques.
Mes œuvres sont aussi intiment liées à l’architecture urbaine, mais aussi à l’architecture de la nature. Ma sculpture Paysageen témoigne. De loin, sur ce cube blanc et lisse, semble être posée une ville. On pourrait croire qu’il n’y rien d’autre à voir. Pourtant ces indices poussent le spectateur à s’approcher, à tourner autour de lui. Surgissent, comme une explosion, des collonnes hexagonales et granuleuses. Cette mise en espace rend compte du processus du voyage, de la découverte. L’avancée du spectateur se fait par étape. Ainsi la sculpture varie au rythme de ses pas, et la surprise est mise en exergue.
H. S. : Quelle est le plus beau souvenir que vous conservez d’un voyage artistique ?
L. D. : Définitivement mon voyage au Brésil et particulièrement dans deux endroits :
Lors de la « Virada Cultural » à São Paulo. Un gigantesque festival de musique, de théâtre, de danse et d’art dans tous les lieux importants et les rues de São Paulo. Trois jours. Neuf cents représentations. Tout est ouvert et gratuit. J’ai arpenté la ville comme une somnambule.
INHOTIM, un musée à ciel ouvert dans un jardin botanique extraordinaire. Dans la région de Minas Gerais, la collection d’art contient plus de cinq cents œuvres d’artistes internationaux, des années 1960 à aujourd’hui. Ce lieu était la première raison pour laquelle je voulais absolument faire mon échange au Brésil. Je l’ai exploré pendant une semaine. Il faut le toucher physiquement pour le comprendre. J’ai marché des kilomètres, entre les lacs bleus turquoises et les forêts de bambous. Je contemplais les œuvres dans la nature, dans les pavillons et les galeries, toutes plus folles les unes que les autres. C’est une expérience corporelle et visuelle forte.
H. S. : Pensez-vous qu’une forme de dépaysement soit nécessaire à votre pratique artistique aujourd’hui et en quoi ?
L. D. : Plus que nécessaire ! Obligatoire. Partir pour mieux revenir. J’ai déjà expérimenté au Brésil cette impression forte. L’envie de partir me tenaille parce que j’ai la certitude que le mouvement est indispensable. Je veux avancer sur un nouveau terrain de recherches. Pour prendre un exemple concret: le Brésil il y a deux ans. Je suis revenue en ayant envie de travailler différemment. Ce moment m’a permis de me servir des matières que j’ignorais et surtout de prendre du recul vis-à-vis de ma pratique. Je voulais faire une sculpture quasi irréalisable en utilisant des fines tiges de métal pour soutenir une superposition de noix de coco, dans l’idée de monter un haut mur. La sculpture s’est écroulée. La souplesse des tiges a transformé le mur en une forme de grotte, ou de vague. Cela me semblait être un ratage. J’ai rapidement pris des photos avant de jeter toutes les noix de coco. Je sentais quand même que quelque chose d’intéressant s’était passé, mais je ne savais pas encore quoi. En les revoyant à mon retour en France, j’ai compris que c’était l’extraordinaire énergie des tiges qui m’intéressait, et surtout le poids de toutes ces noix de coco. Elles avaient répondu à la gravité. La forme courbe avait construit une architecture puissante. Ainsi, je me délivrais du graphisme, de la géométrie pour m’intéresser vraiment à ce qui m’occupe désormais, comme un concept : les caractéristiques propres des matériaux et leurs limites de résistance. Cette expérience m’a prouvé la difficulté de vouloir contrer les lois physiques et les surprises qui peuvent en résulter.
H. S. : Parmi les pièces que vous avez réalisées, quelle est celle qui vous a apporté les meilleures surprises et en quoi ? ; a contrario quelle est celle qui vous a le plus déçue, en quoi ?
L. D. : L’expérience à Rio de Janeiro, avec les noix de coco. Si elle a été catastrophique au départ, elle s’est révélée fondatrice. En revanche, le travail que j’ai opéré avec les feuilles d’aluminium froissées dans l’appartement «Chez Dan» n’est pas satisfaisant à mes yeux, car je pense ne pas avoir réussi à maîtriser suffisamment le potentiel de la matière qui prend la lumière. La sculpture aurait pu se refléter davantage sur les murs. Elle a ouvert mon nouveau champ d’investigations sur la lumière. Je ne désespère pas d’y revenir .
H. S. : Que pensez-vous du curating ?
L. D. : Il est indispensable de prendre soin, de mettre en valeur, le travail d’un artiste. Le regard d’un autre, un curateur qui a l’habitude de regarder des œuvres, produit un échange fécond et formateur. En revanche je trouve que, parfois, le rôle du scénographe et celui du curateur sont mal définis.
* Hélène Sirven est maître de conférences en sciences humaines appliquées à l’art à l’Université Paris1-Panthéon-Sorbonne. Elle a fait partie du jury du DNSAP (Paris) avec
Hou Hanru (président), Farah Atassi et Mounir Fatmi en juin 2014.