Demande pas ton reste
Installation in situ au Centre Tignous d'Art Contemporain de Montreuil pour l’exposition Format Cabine, curatée par Marion Zilio
Cordes, fils de pêche, pierres, branche, téléphone, tige de métal, poids en tube plastiques et ciment.
Aide à l’installation Clara Ormières
Novembre - décembre 2021
“Le vent souffle sur l’étang de Bages. Dans ce milieu saumâtre, évoluent en eau peu profonde une faune et une flore qualifiées de « patrimoine écologique à préserver ». Les zostères et les potamots prennent racine dans ces sédiments sableux. Ces plantes marines sont de parfaites alliées pour les espèces migratrices, la belle saison. Parmi elles, les anguilles y séjournent quelques années avant de se reproduire en un endroit unique : la mer des Sargasses, au Nord des Antilles.
À bord de frêles embarcations, une poignée de pêcheurs poursuivent une traque millénaire. Fabien habitait dans le 94, avant de s’installer définitivement auprès de son grand-père pour s’initier à ces techniques ancestrales. « Capturer sans demander son reste », tel est son adage. Respectueuses des cycles biologiques des poissons et de l’environnement lagunaire, ces stratégies de pêche sont une invitation à se déprendre de soi pour devenir autre, en se mettant à la place des proies, mais aussi des algues, des courants, du vent et des turpitudes de l’eaux qui façonnent la singularité des milieux.
C’est par ce même geste, discret et soucieux de l’équilibre fragile des écosystèmes, où tout est interconnecté et réciproquement exclusif, que Léa Dumayet échafaude des installations précaires. La valise remplie de filets, de pierres ligaturées, de fils de nylon ou de perles de plombs, elle trace les lignes de nouveaux agencements non plus maritimes mais aériens. Cela flotte dans les airs. Comme les anguilles visqueuses qui naissent et meurent en eau salée, mais grandissent en eau douce, ou ces animaux amphibies capables de vivre sur terre et dans l’eau, Léa Dumayet décline une multitude de milieux tous liés comme une partition de musique. Et dans ce renversement des possibles et d’infinies variations perceptives, les pièges n’attrapent plus que les rêves.”
Marion Zilio